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Publié le 2 décembre 2025
Dans une tribune publiée par La Gazette des communes, trois parlementaires dénoncent le refus des derniers gouvernements à adopter des mesures qui permettraient d'améliorer la qualité des raccordements en fibre optique. Ils interpellent la nouvelle ministre Anne Le Hénanff pour qu'elle se saisisse du sujet.
En l’espace de trois ans, trois propositions de loi ont été déposées au Sénat et à l’Assemblée nationale dans un seul et même sujet : réduire les dysfonctionnements qui surviennent dans le raccordement à la fibre et dont de nombreuses communes sont victimes. Cependant, aucun n’est arrivé au bout du parcours parlementaire.
Long feuilleton
En juillet 2022, le sénateur de l’Ain et président de l’Avicca, Patrick Chaize, a déposé une proposition de loi pour apporter des solutions aux dysfonctionnements qui surviennent dans le raccordement à la fibre d’utilisateurs finals (débranchements, câbles emmêlés, etc.) avec pour ambition de « contraindre les opérateurs à réaliser les raccordements à la fibre optique dans les règles de l'art et de sécurité » et de « garantir aux consommateurs une connexion Internet de qualité ». Le texte a été adopté au Sénat en mai 2023 mais n’a jamais depuis été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour son examen (lire Maire info du 27 avril 2023).
En octobre 2024, une proposition de loi quasiment identique a été déposée à l’Assemblée nationale par le député de la Seine-et-Marne Jean-Louis Thiériot. Le texte n’a jamais été examiné.
En février 2025, une proposition de loi visant les mêmes objectifs a été déposée à l’Assemblée nationale par des députés de la Gauche démocrate et républicaine. Dans le cadre de la niche parlementaire du groupe en juin dernier, les députés ont choisi de présenter ce texte à l’Assemblée (lire Maire info du 20 février 2025). Il n’a finalement pas pu être examiné car les députés n’ont pas eu le temps d’arriver à l’examen de ce neuvième texte – sachant que les discussions, dans le cadre d'une niche parlementaire, doivent obligatoirement s'achever à minuit.
Ce n’est pas le récit d’une malédiction mais bien d’un texte qui, depuis le début, est bloqué, freiné et même diffamé. Dans une tribune publiée dans La Gazette des communes, les auteurs de ces trois textes (Patrick Chaize, Jean-Louis Thiériot et Emmanuel Maurel) dénoncent cette impossibilité à légiférer.
Blocage gouvernemental : entre contre-vérités et complaisances
Les parlementaires regrettent évidemment les blocages « venant des précédents gouvernements » . Cette impossibilité de légiférer s’explique par la réticence des opérateurs, renforcée par celle d’un gouvernement convaincu par les opérateurs eux-mêmes.
Mais la raison évoquée pour justifier cette opposition aux textes est irrecevable selon les parlementaires. Le texte de Patrick Chaize prévoit notamment de fixer un cadre à la mise en œuvre du mode « Stoc » (recours en cascade aux sous-traitants pour les raccordements à la fibre). Il serait à l’origine de nombreuses malfaçons constatées dans les communes : « Le système actuellement en place pousse une cascade de sous-traitants, sous-formés et sous-payés pour la majeure partie d’entre eux, à ne pas respecter les prescriptions des opérateurs d’infrastructures ni les règles de l’art, peut-on lire dans la tribune. Plus grave encore, ils ne respectent pas les règles élémentaires de sécurité, le secteur des Télécoms étant devenu de ce fait la seule branche du BTP à voir les accidents professionnels augmenter. »
Dans une réponse à une question posée par le député Steevy Gustave sur l’impasse dans laquelle se trouvent ces textes, l’ex-ministre Clara Chappaz indiquait que le texte de Patrick Chaize adopté au Sénat remet en cause le mode Stoc et qu’il serait « de nature à déstabiliser de manière durable la chaîne de valeur au risque de ralentir les déploiements en fibre optique », et ce « sans garanties que ces problèmes soient résolus ».
En réalité, et c’est ce que les parlementaires soulignent dans leur tribune, « le texte voté au Sénat ne remet pas en cause le mode Stoc », « il est même de facto la seule validation législative de ce mode de raccordement ». « Cacher un manque de volontarisme sur le sujet en caricaturant et en sous-entendant une forme d’irresponsabilité des parlementaires n’apparaît pas au niveau des enjeux en cause » , écrivent les parlementaires.
Les parlementaires soulignent au passage la complaisance dont on fait preuve les précédents gouvernements à l’égard des opérateurs. « Les seules réponses des précédents gouvernements ont été d’effacer tout risque de sanctions des opérateurs qui ne respecteraient pas leurs obligations », indiquent-ils, rappelant que les déploiements ralentissements de manière inquiétante récemment. Cette complaisance a même été plus loin : « ils sont même allés jusqu’à les subventionner avec de l’argent public – réputé pourtant rare – pour installer, en lieu et place de la fibre optique, des technologies alternatives ! » Ces subventions qui avaient été annoncée fin 2023 par Jean-Noël Barrot pour aider les foyers n'ayant pas la fibre n’avait pas du tout convaincu les collectivités qui estimaient que ces nouvelles aides publiques profitent avant tout aux opérateurs (lire Maire info du 20 décembre 2023).
Des enjeux pourtant primordiaux
Ces choix politiques ne sont pas sans conséquence. « Entre l’intérêt des consommateurs et ceux des opérateurs privés, le précédent gouvernement a fait son choix » , taclent les parlementaires.
En effet, « si le plan des opérateurs et l’action de l’Arcep ont permis quelques avancées sur certains réseaux mal construits initialement », « les dégâts couramment constatés depuis 8 ans sur le terrain par nos concitoyens et nos collectivités territoriales » sont encore trop nombreux. Alors qu’il reste quelques années pour opérer la bascule du cuivre vers la fibre, ces dysfonctionnements qui surviennent dans le raccordement à la fibre d’utilisateurs finals (débranchements, câbles emmêlés, malfaçons, etc.) perdurent et inquiètent.
« Les signataires de la présente tribune attendent désormais du nouveau gouvernement et de sa ministre Anne Le Hénanff d’inscrire ce texte transpartisan à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, pour redonner au débat public ce sujet essentiel des raccordements à la fibre optique, lancent les auteurs de la tribune. Nous devons cela aux Français et aux Françaises qui en sont toujours les victimes. »
Source : Maire info, article publié le 17 novembre 2025, écrit par Lucile BONNIN